Couvrir dans sa plus grande largeur la scène alternative des années 80 et 90 n’est pas un travail facile. Cette opération de longue haleine débutée en ce qui me concerne en 2013 avec la chronique de
Facelift est aujourd’hui encore bien loin du compte mais entre l’actualité chargée qui nécessite évidemment que l’on s’y intéresse de près, ces maudites journées qui ne font que vingt-quatre heures et mes goûts relativement variés, il n’est pas toujours facile de continuer à combler les trous et autres lacunes... Il n’y a donc rien de très étonnant à ce que ma dernière chronique estampillée "Grunge" ait été publiée il y a maintenant un petit peu plus d’un an alors qu’il s’agit pourtant d’un genre qui me tient particulièrement à coeur et dont les albums majeurs placés sous cette étiquette continuent de squatter ma platine et mes écoutes de manière tout à fait régulière...
Si les groupes et albums qui mériteraient d’être abordés sous cette fameuse thématique ne manquent pas, permettez-moi cependant de faire les choses proprement en mettant aujourd’hui un terme (enfin a priori) à mes écrits relatifs aux Californiennes de L7. Non pas que le reste de la discographie des quatre demoiselles ne soit pas digne de figurer dans ces colonnes mais entre une formule quelque peu en perte de vitesse, de légers remaniements d’effectifs et, au moins à l’époque, un manque d’intérêt grandissant de ma part au profit de musiques plus agressives et énervées, il faut bien avouer que je n’ai pas été très assidu sur les albums qui ont suivi... Alors oui, c’est bien dommage pour
The Beauty Process: Triple Platinum ,
Slap-Happy ou
Scatter The Rats (premier album de L7 après vingt ans d’absence et avec le line-up de la grande époque) mais comme pour tous ces groupes alternatifs qui ont marqué les années 90, on préfèrera se concentrer sur le début de carrière de L7.
Sorti en juillet 1994 sur Slash Records et Reprise Records,
Hungry For Stink se dévoile notamment à la télévision grâce au clip d'"Andres", une vidéo agitée et loufoque qui trente ans plus tard rend toujours aussi bien compte de ce qu’ont été musicalement, vestimentairement et visuellement les années 90. Une entrée en matière pour le moins sympathique puisqu’elle va effectivement nous permettre de retrouver les filles de L7 telles qu’on les avait quittées deux ans auparavant. Des retrouvailles marquées par un son chaud, abrasif et ultra saturé que l’on doit cette fois-ci au producteur canadien GGGArth (aka Garth Richardson) célèbre pour ses collaborations passées ou futures avec des groupes tels que Rage Against The Machine, The Melvins, Testament, Ugly Kid Joe, The Jesus Lizard ou bien encore Sick Of It All.
Ainsi, à la manière de son excellent prédécesseur,
Hungry For Stink va renouer sans grande surprise avec ce mélange toujours aussi détonnant de Punk Rock à la fois rudimentaire et en même temps terriblement entêtant, de Metal lourdingue et tout aussi primitif ("Talk Box" et ses influences Doom sabbathiennes relativement évidentes) et de Pop bien plus légère grâce à ces mélodies « faciles » ainsi que tous ces refrains souvent hyper "catchy". Une formule qui à l’instar de
Bricks Are Heavy est mise ici en pratique à travers des titres essentiellement mid-tempo plutôt qu’au rythme de brulots Punk menés tambour battant comme cela a pu être le cas auparavant sur l’album éponyme de 1988 ou sur l’excellent EP
Smell The Magic. Pour autant, si la cadence se voit effectivement quelque peu ralentie,
Hungry For Stink n’en reste pas moins un album toujours très "fun" et dynamique grâce au caractère à la fois terriblement entêtant et addictif de la plupart des mélodies dispensées tout au long de ces quarante-quatre minutes ("Andres", "Bagage", "Can I Run", "Questioning My Sanity", "Stuck Here Again", "She Has Eyes"), grâce au grain de folie dispensées par mesdames Donita Sparks et Suzanne Gardner derrière leurs microphones avec leurs voix abrasives, criardes et pleines de gouailles, grâce à tous ces petits arrangements qui ne sautent pas forcément aux yeux et aux oreilles mais qui participent bel et bien à l’identité de L7 et à celle de
Hungry For Stink en particulier (ce clavier sur "Riding With A Movie Star" joué par Roddy Bottum de Faith No More, ces sonorités empruntés à la Surf Music ou la scène Rock des 60’s, ces samples et autres évocations féministes à la Russ Meyer, etc).
Parmi tout cela, on trouve tout de même encore quelques titres un tout petit plus plus énervés comme le très efficace et primitif "The Bomb", le quasi-instrumental « Riding With A Movie Star » aux couleurs Surf Music / Rockabilly particulièrement prononcées, les excellents "Fuel My Fire" (composé initialement par les Australiens de Cosmic Psychos, réarrangé par les quatre Californiennes et ensuite repris par les Anglais de The Prodigy sur leur album
The Fat Of The Land) et "Freak Magnet" ou bien encore "Shirley" et tous ces samples autour des courses de dragsters... Bref, de quoi largement taper du pied et s’agiter avec plus ou moins de vigueur selon votre enthousiasme et/ou votre motivation.
Deux ans après un
Bricks Are Heavy ayant fait l’unanimité (ou presque) parmi tous les amateurs de Rock Alternatif biberonnés à coups de clips MTV et d’épisodes hauts en couleurs (mais aussi et surtout en conneries) de Beavis And Butt-Head, les filles de L7 récidivent une fois de plus avec la sortie d’un troisième album toujours aussi cool et convaincant. Bien sûr, après le décès tragique de Kurt Cobain on sent bien que l’ambiance n’est plus la même et que l’euphorie des trois dernières années a laissé sa place à une gueule de bois des plus douloureuses mais la fin de la fête ne sera véritablement actée que quelques mois plus tard. Aussi ce
Hungry For Stink n’a pas manqué de rencontrer un certain succès lors de sa sortie se classant d’ailleurs à la 117ème place du Billboard 200. Certes, cela ne veut pas dire grand chose (si ce n’est que les ventes ont été au rendez-vous) mais peu importe car même si on lui préféra son prédécesseur d’un petit cheveu, ce
Hungry For Stink n’en reste pas moins encore aujourd’hui un excellent disque de "Grunge" ou plutôt de Rock Alternatif et le témoin d’une époque aujourd’hui révolue pour laquelle (et je ne pense pas être le seul) je ressens toujours un soupçon de nostalgie.
3 COMMENTAIRE(S)
01/04/2025 09:07
La reprise de Sonic Youth est super, celle de Jesus Lizard aussi, même Mudhoney que j'aime pas trop ça sonne...
Mais surtout, toutes les reprises de groupes féminins sont mortelles. Babes in Toyland, 7 Year Bitch... et les deux L7 sont des merveilles totales.
C'est autre chose que les insipides reprises de Nirvana par Thou huhu
31/03/2025 20:57
31/03/2025 16:53
Mantar, qui sont des malins, ont repris 2 morceaux de cet album sur un EP, hommage au grunge, dont c'est le seul groupe qui figure 2 fois à la tracklist, d'ailleurs. CQFD