Une fois le deuil passé, je me dis qu’il ne pouvait en être autrement.
J’ai pourtant été choqué comme pas mal de monde d’apprendre qu’Urfaust arrêtait ses activités avec
Untergang. Le duo ne semblait pas en panne d’inspiration, continuant à être prolifique et avoir toujours l’oreille d’auditeurs conquis.
Teufelsgeist montrait même un projet arrivant à une forme d’aboutissement, transmettant au plus près la vision d’un clochard mystique et alcoolique étape par étape, de l’ivresse des sens (magnifique « Offerschaal der astrologische mengvormen ») au blackout au sein du Grand Rien (« Het godverlaten leprosarium »).
Une œuvre indépassable, d’un duo qui a toujours cherché à surpasser ses racines black metal pour expérimenter, certaines de ses trouvailles d’alchimiste devenant de belles transmutations en elles-mêmes. Urfaust paraît sur
Untergang au bout du chemin, regardant en arrière non pas avec nostalgie mais avec fierté d’avoir parcouru tant de mondes. Sorte de melting-pot, il est à la fois une impasse et un point final à vingt ans de musique ne cessant jamais de repousser les limites, les siennes et celles de notre perception. Le black metal onirique de « Leere » et le morceau-titre renvoient ainsi à
Der Freiwillige Bettler ; le drone de « Atomdod » et les nappes de « Reliquienstaub » évoquent les essais ambient des Néerlandais ; « Höllenkosmos » aurait pu paraître sur
The Constellatory Practice…
Untergang, dernier baroud d’honneur fait pour les fans ? Il y a de cela, chaque titre ayant son illustration propre signée Izabela Carlucci, son univers particulier, lié par la main experte d’Urfaust rejouant avec des ingrédients déjà étudiés. Pour autant, celui qui découvrira le duo par cet album ne pourra, si le charme opère, qu’être ébahi et vouloir approfondir la riche discographie des Néerlandais – dont on se demande à chaque rencontre s’ils ne sont pas plutôt Finlandais tant ils rappellent la folie de Sink ou Unholy. Le lyrisme et le misérabilisme – mais un misérabilisme grand dans sa nudité, Diogène vivant parmi les astres au point d’avoir une galaxie à l’intérieur de lui – qu’a toujours transmis la bande sont une fois de plus présents, mêlant ancien et récent par une production ample, une voix toujours emportée, des tempos qui claudiquent et dansent d’un pas chancelant. Non pas mal assuré – tant chaque passage est un exemple de force –, mais où l’éthylisme devient un état permanent, la chute (qui est la traduction du mot « Untergang ») s’évitant à chaque fois… jusqu’au silence terminant « Abgrund » où elle se vit bel et bien.
Urfaust aura été comme ces relations passionnelles dont on ne souhaite pas voir la flamme s’éteindre et que l’on sent devoir s’arrêter avant que leur feu pâlisse. Lui, contrairement à tant d’autres, aura eu l’intelligence de conclure avant qu’il ne soit trop tard,
Untergang étant une répétition à la hauteur, enivrante et n’éteignant pas l’amour de cette musique – mais aussi une voie sans issue, où l’on sent l’essoufflement proche, à la fois dans une atmosphère terminale et quelques baisses (la plus classique « Vernichtung »). L’avantage est que l’on peut revivre chaque instant de cette recherche en se replongeant dans les quelques réussites que le duo avait créées lorsqu’il était actif, sans colère et avec remerciement. Décidément, la relation à la musique est bien plus belle que la relation aux gens.
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10/02/2025 20:58
10/02/2025 20:32