Le Mezzogiorno et ses images de désert loin de la civilisation, de cow-boy italien parcourant ces terres où, comme l’a dit l’écrivain Carlo Levi, « le Christ s’est arrêté » pour rebrousser chemin : c’est cela qu’évoque
Tales of Faith and Lunacy.
Pour qui aura découvert Nero Kane avec le morbide
Of Knowledge and Revelation, rien d’étonnant. Ce chemin à rebours montre que la maestria à peindre une Italie figée, sensuelle, Éros et Thanatos avançant au ralenti, n’était pas un coup de chance.
Tales of Faith and Lunacy possède déjà ce talent à poser un décor où errer, à remémorer des références propres au pays d’origine du projet. Cette scénographie commence dès « Lord Won’t Come », titre qui dépouille et fait voir les Pouilles où la chaleur de l’été pousse à chercher refuge entre les pierres. L’instrumentation est simple, minimaliste, chaque changement se vivant comme un état d’humeur où la mélancolie paraît inexorable, fatidique comme le talon de la botte nous maintenant la tête au sol.
Difficile d’enchaîner après tel morceau, où Nero Kane irradie de cette lumière froide qui m’avait tant marqué sur scène. Cette chaleur qui ne réchauffe pas, cette lueur qui agresse les yeux, cette élévation qui se vit la mort dans l’âme et au trot d’un cheval pareillement affligé – compliqué de tenir telle intensité sur la longueur. C’est l’unique défaut de
Tales of Faith and Lunacy par rapport à son successeur, qui a pour lui une constance qui glace d’autant plus à son écoute. Mais qu’on ne croie pas que la suite ne saisit pas pour autant ! Transi, le duo formé avec Samantha Stella égrène sa marche de désespéré au sein de ce paysage désolé, païen, avec une beauté séduisante de damné où les arrangements sont aussi minutieux que marquants.
Les coups d’éclats ne disparaissent pas ; ils sont utilisés fugacement, non pas comme des lumières au bout du tunnel mais comme appuis à la sensation de traverser des limbes faites de roches et cerclées d’une voûte impitoyablement blanche. Une démarche assumée,
Tales of Faith and Lunacy présentant majoritairement d’entrée ces motifs sans chercher à les enrichir. Il rappelle en cela les albums de Earth les plus récents où répétitivité et nudité deviennent des forces, la douceur de l’ensemble devenant rugueuse et ample, son psychédélisme naissant des lignes d’horizon floutées nous entourant marquant l’absence plutôt que la présence. Ici, il n’y a rien à attendre de plus qu’une aridité présente sur la terre comme au ciel.
Reste l’intérieur, Nero Kane poussant à chercher une planche de salut en nous-mêmes, l’extérieur n’étant qu’abîme. Un calme nous habite, étrange tant la musique exprime une certaine langueur qui ne tombe jamais dans la lassitude. Il y a quelque chose de l’errance qui se vit pour elle-même sur cet album, chaque morceau étant suffisamment bien construit et accrocheur pour emmener vers une destination que l’on connaît pourtant d’avance. Autre temps fort, le final « Angelene’s Desert » enfonce le clou dix minutes durant, la voix de Samantha Stella se rapprochant encore plus de celle éteinte de la chanteuse Nico pour faire accepter son sort.
L’atmosphère est bien ce en quoi excelle Nero Kane, l’ascétisme de la démarche se mettant au service d’une puissance d’évocation rare. Si ma préférence va à
Of Knowledge and Revelation et sa longue procession sacrée,
Tales of Faith and Lunacy n’en est pas moins à écouter tant, sans être formellement différent, il en est l’envers en termes de visions, ici lumineuses, impies et désertiques. Une gémellité les définit tout de même, le soleil et la lune appuyant tout deux la même perdition fondamentale. « Lost was the road »… et perdus, nous le sommes aussi.
3 COMMENTAIRE(S)
08/04/2025 10:17
Du dark folk mais qui sent en effet le désert, les plaines arides, qui dégage aussi une forme de contemplation magique.
Exactement.
08/04/2025 08:12
J'adore le style.
Du dark folk mais qui sent en effet le désert, les plaines arides, qui dégage aussi une forme de contemplation magique.
Et ces accents bluesy aussi...
07/04/2025 08:48