Il y a eu un déséquilibre dans la force. Le père de
Steve Austin est décédé dans un accident de voiture et l’enregistrement de ce «
Willpower » n’a lieu que quelques mois après. Est-ce que cela a profondément remis en question la musique de
TODAY IS THE DAY ? J’en doute. Est-ce quel cela a contribué à rendre cet album plus méphitique qu’il ne l’aurait été sinon ? Plausible. Un an à peine après le traumatisme
« Supernova », la même bande de mecs met en boîte neuf nouveaux titres, encore chez
Amphetamine Reptile Records, pour le pire. Putain cette pochette ultra flippante… Et le titre éponyme explose après le bref interlude d’une violence conjugale, bordel cette basse qui te maltraite, cette guitare qui te vrille la tronche, cette voix qui hurle à t’en crever les tympans, et toujours ces structures étranges, ces rythmes de batterie qui tombent comme une claque mal anticipée, cette envolée
noise rock en plein milieu, presque douce derrière les barbelés rouillés… Il y a de la sensibilité chez les Américains, ou du désespoir, celui du suicidaire debout au bord du vide.
Et le disque déroule tout à l’avenant. « My First Knife » glace le sang, l’auditeur en position de voyeur observant le chanteur parler à son paternel (« I wish you were with me instead of far away »), sombrer dans la démence (« I wanna crash. I wanna burn, I wanna drown. I want to die, Help me! ») et c’est en cela que le disque est terriblement ambigu. Plus ramassé que son grand frère, il développe une sensibilité que l’on n’avait fait qu’effleurer (« Nothing to Lose »), la voix se fait davantage plaintive, lacrymale, là où les débuts de la formation posaient les bases d’une musique de psychopathes. Désormais, c’est encore plus effrayant : les dingues sont sensibles, ils ont des sentiments, ressentent la douleur et ils choisissent de se purger au travers de cet album quasiment
emo noise core pour peu que cela ait du sens. Fini les délire
noise à rallonge, le trio s’est comme ramassé sur lui-même, en position fœtale, il balance ses coups de latte avec parcimonie, plus par frayeur du monde extérieur que par pure méchanceté, mais il te flingue, sans pitié. Ou plutôt, il vient par derrière et t’ouvre la gorge sans que tu ne l’aies senti approcher. Car même lorsqu’il montre les dents (« Sidewinder »), il ne peut se départir d’une tristesse abyssale qui relègue l’agression au second plan, le sang coule mais l’observer se répandre tourne à la fascination bien plus qu’à l’horreur.
Des compositions plus ramassées donc, c’est un fait, ne serait-ce que par la durée du disque, mais cela ne les rend pas pour autant plus structurées. Les cassures de rythmes sont nombreuses, toujours inattendues, surprenantes, sans que l’auditeur ne sache s’il va être cueilli par un riff monstrueux ou une plage de larsens aussi tranchante que des lames de rasoirs. Et en cela «
Willpower » est beau, beau comme un amoncellement de tôles froissées, beau comme le regard d’un homme fraichement trépané, beau comme l’ordure sait l’être dès lors qu’elle atteint le rang d’art. Et titre après titre, ce sentiment revient en bouche comme un mauvais renvoi bileux, poisseux comme le pire d’
UNSANE (« Many Happy Returns »), et ça pue la merde, le cadavre, et le malaise est palpable, et les berceuses sont celles qui augurent d’une nuit de cauchemar (« Simple Touch ») et pourquoi y a-t-il tant de beautés cachées derrière ce masque de laideur ?
Autant «
Supernova » posait les Américains comme une prometteuse formation de
noise core, encore un peu brouillonne certes mais incroyablement douée pour créer les climats d’une urbanité en fin de vie, autant «
Willpower » vient refoutre l’émotion au centre du propos, avec ses tempos ralentis, cette voix traînarde du mec oublié de tout et de tous, n’en ayant plus rien à foutre de rien, n’ayant également plus rien à perdre et dont l’envie de meurtre devient touchante, presque romantique. Ses idéaux de terre promise (« Promised Land ») ont été réduits en miettes, seule subsiste une espèce de douleur que les notes restent incapables d’exprimer, aussi expriment-elles la frustration de cette impuissance, d’une façon presque tragique si j’allais au bout de mes sentiments en écoutant cette œuvre.
Clairement, en guise de deuxième album, je ne suis pas sûr que ce soit ce à quoi s’attendait les fans de la première heure. Peut-être prévoyaient-ils davantage de délire
arty, comme si finalement le groupe n’était qu’une nouvelle sensation, une machine à fabriquer du bruit pour auditeur élitiste, alors qu’à travers ces morceaux, il vient te poser sur la table un cœur de bœuf dégoulinant d’un syncrétisme d’humeur où l’amour côtoie la folie, où la haine se mue en résignation à force de désespoir, pour finalement devenir bien plus qu’un simple album de plus à collectionner mais une véritable tranche de vie, parenthèse unique dans la carrière de la formation qui va rapidement réorienter les débats vers des choses plus dures, plus inavouables également, mais qui reste un témoignage incontournable des années 90 et de la carrière de
TODAY IS THE DAY.
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