Avec cet album éponyme,
TODAY IS THE DAY signe la fin de sa période
Amphetamine Reptile Records et s’apprête à passer chez
Relapse Records pour ce qui est certainement l’acmé de la carrière des Américains mais, en attendant, concentrons-nous sur cette suite à un
« Willpower » éprouvant.
Si le batteur
Brad Elrod reste inchangé, nous pouvons déjà noter le départ du bassiste
Mike Herrell, remplacé par un
Scott Wexton qui ne fera pas de vieux os car, passé cet album, le line-up finira par devenir totalement anarchique. Cela dit, cela ne change strictement rien à la musique du trio qui, finalement, se résume à la seule et unique existence de
Steve Austin, guitariste, chanteur et génie du mal.
La pochette n’a l’air de rien au premier regard, les chevilles menottées d’une femme en arrière-plan instaurent cependant un certain malaise, sentiment que ne démentiront jamais ces douze nouvelles compositions. En effet, le trio commence à s’extraire de la scène
noise rock / noise core qui devenait déjà trop étroite pour lui afin d’écrire les prémices de ce qui fera de «
Temple of the Morning Star » un album génial. C’est-à-dire que le ton se durcit (« Realization »), que le
riffing est davantage canalisé et que là où avant les musiciens faisaient gicler le sang sur les murs sans trop se soucier de la veine tranchée, autant ils commencent désormais à savoir viser la fémorale et la jugulaire. Donc si le fond musical reste toujours aussi frustrant par ses côtés « tranches de vie », remarque surtout valable pour les compositions les plus courtes (en-dessous de trois minutes), on commence à deviner que sitôt qu’
Austin prend la peine de structurer ses idées, ça part direct en une hémorragie qui laisse l’auditeur exsangue.
Car ce disque, s’il a totalement sa place au sein d’une discographie parfaite, souffre cependant de sa position transitoire entre deux labels. Les poussées de rage (« Mountain People ») côtoient trop d’interludes (« A Man of Science », « Black Iron prison », « I Love My Woman ») et les moments acoustiques (« Ripped Off ») n’atteignent pas encore l’intensité jubilatoire de « Temple of the Morning Star ». C’est émouvant pourtant, comme jouir dans le con d’une morte, mais la formation n’a pas encore fini d’éliminer un passif
noise audible, qui est la marque de fabrique de son label d’alors. Cela n’est pas une critique en soi, juste le sentiment que cet album a plus des airs de fin de contrat que de renouveau, ce qui sera le cas chez
Relapse. Même le batteur me semble moins inspiré, lui qui pourtant m’avait tétanisé sur les deux LP précédents. Peut-être que les nouvelles compositions lui conviennent moins mais même sur un « Tragedy » pourtant essentiellement percussif, il manque un truc, impression qui ne m’effleurera (presque) plus jamais tant
Steve Austin a su par la suite s’entourer de batteurs monstrueux (
Brann Dailor,
Derek Roddy, etc.).
Même le riff énorme de « She is in Fear of Death » ne rattrapera pas le sentiment mitigé que j’ai à l’écoute de ce disque trop décousu, capable d’explosions superbes mais manquant paradoxalement de cette folie suicidaire qui guidait le groupe jusqu’alors. Ainsi, ce titre semble être un collage d’idées sans lien entre elles et même l’hystérie guitaristique d’un « Dot Matrix » semble marquer le pas dans la carrière de
TODAY IS THE DAY. Je sais bien que la formation a toujours eu ce travers de proposer des titres auxquels ils semblent manquer les finitions essentielles, de réfléchir davantage en termes d’instants que de postérité et que c’est cela qui rend chacun des disques si uniques, singuliers, dans le désespoir qu’ils expriment. Pourtant, au regard de ce qui précède et, surtout, sachant ce qui arrive, j’ai du mal à adhérer à cet éponyme trop décousu, comme si les musiciens s’ennuyaient en l’enregistrant alors qu’il ne fait que certainement marquer une étape dans une carrière assez unique qui a influencé des milliers d'artistes.
Aussi, si ce «
Today is the Day » n’est pas l’album que je retiendrai au moment de partir sur la fameuse île déserte, il reste cependant au-dessus du lot du fait de son étrangeté, de son atypisme, de sa singularité également, le groupe étant parvenu en seulement trois albums à se forger une identité unique, impossible à reproduire sans passer pour un vil copieur.
Difficile de parler de déception dès lors qu’il s’agit de
TODAY IS THE DAY mais ce troisième LP n’est assurément pas celui que je recommanderai pour découvrir le groupe. Trop dépareillé dans ses structures, il a à la fois perdu de l’inconscience des débuts et n’a pas encore acquis la monstruosité des albums futurs, il reste cela dit un incontournable si tant est que l’on soit fan.
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31/05/2025 15:29