The Great Procession - To Another Sun
Chronique
The Great Procession To Another Sun
Derrière l’anonymat des musiciens œuvrant au sein de THE GREAT PROCESSION, il y a peut-être l’humilité louable de faire en sorte que le collectif prime sur les individualités, que tout le monde pousse dans le même sens indépendamment des rôles respectifs réels, de qui devrait être crédité de quoi… Peut-être. Peut-être pas. Il reste ce « To Another Sun » d’une sobriété graphique frôlant le symbolisme minimaliste, ne disant encore rien de la musique mais exprimant déjà clairement la volonté d’épure, l’essentiel comme seul moteur créatif.
En dix titres et quarante-trois minutes, les Français vont nous faire visiter leur monde post-métallique. Un peu de djent, pas mal de post-core, un rien de post-rock, des accents screamo dans la voix écorchée, nous connaissons le chemin, nous l’avons arpenté, souvent, en des compagnies plus ou moins agréables, loquaces, belliqueuses ou avenantes, et il est bon de faire la route aux côtés de THE GREAT PROCESSION. Il y a cette basse qui claque, qui marque les pas, les temps, l’effort. Que ce soit dans les instants les plus massifs ou lors de passages davantage aériens, elle ne se départit jamais de son tranchant, rocaille brute arrachée à la falaise par suite d’un coup de piton mal assuré.
Et lorsque le ton se fait déclamatoire, poésie orale (« Odeur de vie »), ce sont alors des images de cendres, les couleurs fanées d’une âme désabusée qui n’a pas pour autant renoncé à la lutte, à l’amour, à la vie. Quelque part, ce désir d’aller vers un autre soleil, s’il est un renoncement au connu, se vit comme un espoir puissant d’autres horizons, la flamboyance comme guide spirituel, ce soleil noir qui orne la pochette pouvant évoquer aux littéraires le poème « El Desdichado » de Gérard de Nerval : « Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé porte le soleil noir de la mélancolie ».
Je divague en impressions somnambuliques mais si je le fais c’est bien parce que ce « To Another Sun » me donne du vague à l’âme. Il me plombe l’esprit, il est cette pierre attachée à la cheville qui m’attire inexorablement vers le fond, et pourtant jamais je ne perds l’espoir d’une dernière bouffée d’oxygène, flash rétinien au moment où je ne voyais plus que de l’obscurité, chaque bulle qui s’échappe des poumons du chanteur devenant une chance de survie, une planche à laquelle s’accrocher alors que les instruments s’acharnent à me laisser mourant sur le limon (« Where the Sun Forgot to Rise »).
Parler d’un grand disque, qu’est-ce que cela voudrait dire ? Si je me fie à l’impact immédiat de ces compositions, oui ce deuxième LP est une évidente réussite tant il sait s’approprier le meilleur des genres qu’il explore, avec un soupçon d’innovation dans l’usage de claviers lancinants (« Kings » par exemple, ou « The Great Reboot »), qui finissent de te mettre les nerfs à vif tant l’album est émotionnellement chargé. Mais un grand disque doit également savoir traverser le temps, garder intacte après dix ans l’émotion des premiers instants et, ça, il est encore trop tôt pour le dire. En revanche, affirmer que THE GREAT PROCESSION est l’un des meilleurs groupes que j’ai récemment écoutés en matière de post, j’en ai le droit. Enivré du début à la fin, préférant les moments d’orage à la bruine saline des voix claires, toujours surpris par une cassure, une progression, une mélodie croisée qui disparaît dans l’ombre sitôt exprimée…
Oui, je n’attendais rien de ce disque, je l’ai pris comme un développeur désœuvré s’attribue un ticket Jira, soucieux de soigner ses statistiques sur le sprint en cours. Dans la chaleur moite de mon logis, j’ai transpiré aux sons de ce soleil promis, j’ai éructé des invectives et des anathèmes, j’ai reniflé sans honte la housse de l’assise de mon fauteuil et constaté les remugles puissants de la sueur de fesses, la fraicheur du caveau a débattu avec l’illumination de l’incinérateur, poussière contre chair, jusqu’à la conclusion que ces Français mériteront au moins d’être dans mes découvertes de l’année.
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