Dans la missive myspacienne qu'il m'a adressée il y a quelque temps, Carlos (
Lord Dan) pointait du doigt notre passion commune pour les
Stolen Babies et autres
Diablo Swing Orchestra, et embrayait opportunément sur le fait que NoXiuS Corp., son bébé métallique, était un jeune groupe (
espagnol, pour ceux qui attachent de l'importance à ces détails) se situant dans cette même lignée spirituelle et pratiquant donc un metal d'avant-garde susceptible de m'intéresser. A ces mots, forcément, l'écume n'a pas manqué de jaillir à gros bouillons aux commissures de mes babines avides de sonorités inédites (
parfaitement, c'est par là que j'écoute la musique. Je vous laisse imaginer comme mes gencives morflent en cas d'acouphènes …). Le groupe ayant par ailleurs
Opeth, Dog Fashion Disco et
Iron Maiden dans son top friends, il semblait clair que ce premier EP allait être du miel sur ma tartine de metal quotidienne.
Mais au final, ouch! En guise de miel, c'est une bonne grosse couche de mayonnaise que je me suis retrouvé à tremper dans mon bol de Benco… Erreur manifeste sur la marchandise! En effet, bien que Carlos s'en défende, plutôt que de taper dans le metal hors norme déjanté, NoXiuS Corp. pratique un mélange entre un death ultra mélodique à clavier et du metal lyrique avec Castafiore de série, le tout enrobé de structures un peu alambiquées et d'effets gentiment électro de ci de là, pour se démarquer un peu de la plèbe. Et nul doute que cet EP plaira avant tout aux fans de
Nightwish,
After Forever et autre
Within Temptation, plutôt qu'aux aficionados des
Stolen Babies,
Pin-Up Went Down et consorts. Bon. Changeons donc d'optique et de pied d'appel, et allons tout de même inspecter le ventre de la bête.
L'EP, comme son nom l'indique, met tout particulièrement à l'honneur le morceau « Grey Shades » qui est proposé en 3 versions: standard, (
euro)dance et V.O. (
chanté en espagnol, donc). Dans sa version standard, le titre s'avère être un classique du style précédemment évoqué, agréable et bien composé, avec notamment un passage superbe où les guitares se font nébuleuses, et où le chant féminin se démultiplie pour un rendu proprement céleste (
à expérimenter vers 1:40). La version « électro » est quant à elle plus basique dans le genre, partant tout d'abord dans un trip dance floor un peu facile, puis incorporant à mi-course quelques plans de guitares additionnels. Pas hyper folichon, bien que d'habitude j'apprécie plutôt ce genre d'exercice. La version espagnole, mise à part l'ajout évident d'une dimension méditerranéenne, n'apporte pas grand-chose à l'originale, d'autant que j'ai l'impression que le son y est un peu moins bon. Du côté des autres titres, « Screaming Silently » se révèle du même tonneau que « Grey Shades », classique mais sympa, à l'exception notable de l'utilisation d'un vocodeur qui s'en va altérer quelque peu la voix de Laura vers la fin du morceau… Enfin bon, pas non plus de quoi fouetter un chat. « I Hate The World » est sans doute le morceau le plus intéressant de l'EP, car plus dynamique et couillu. Celui-ci contient notamment un plan super efficace où l'utilisation d'une rythmique trébuchante fait tout particulièrement mouche (
cf. à 0:16). Un peu plus loin, aux alentours de 3:21, on notera également que le groupe se fend d'un hommage (
réellement calculé?) aux débuts de
Death en reprenant le riff de « Scream Bloody Gore » dans une version un peu ralentie.
Pour ce qui est des critiques subjectives, vous l'aurez compris, je reprocherai au groupe d'avoir un peu trop mis en avant l'aspect avant-garde dans son discours (
du moins dans celui employé avec moi) alors qu'il s'agit en fait ici de metal « Beauty & the Beast » relativement fouillé et raisonnablement musclé, mais ne prenant de réelles libertés avec le genre pratiqué qu'à la marge. Petit problème de comm' et de cœur de cible donc.
Pour ce qui est des critiques plus objectives, on pourra retenir une prestation vocale, certes d'assez grande qualité, mais un poil en dessous du niveau requis quand on singe Tarja (
comme c'est par exemple le cas à 0:36 sur « I Hate the World »). Laura assure ses parties sans vraiment faillir, mais on sent parfois que la demoiselle a atteint son max et que sa prestation manque un poil de coffre, et de cette densité propre aux grandes chanteuses lyriques. Mais pour ne pas faire de jaloux, je dirai que de son côté, le growl de Carlos sonne parfois un peu anémique (
notamment sur « Screaming Silently »). Enfin peut-être n'est-ce qu'un problème de (
auto)production?
En me relisant je me rends compte que je suis tout de même un peu trop dur avec NoXiuS Corp., qui propose un travail faisant preuve de sophistication et d'une maturité certaine, ainsi que de velléités émancipatrices de bon augure. Il faut de plus garder à l'esprit que cet EP n'est qu'un premier effort autoproduit, et que le groupe a largement le potentiel pour proposer un premier album carton. Encore faudra-t-il sans doute aborder celui-ci en se préparant à être exposé à un melodeath gothico-prog à chant féminin plutôt qu'à un OVNI musical chamboulant les normes établies.
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21/04/2010 13:23